Sarlat #3: La chapelle et la prison secrète de la tour-porche de la cathédrale

Le clocher de la cathédrale de Sarlat est ce que l’on appelle dans le jargon une tour-porche, une tour d’entrée en somme. Or il est très particulier à bien des égards et recèle de plusieurs secrets bien cachés qui en font un cas unique en France. Accolée au palais épiscopal au sud, cette tour est le dernier témoin de l’ancienne abbatiale romane construite au XIIe siècle qui existait à l’emplacement de l’actuelle église. Ce type de tour est de plus un symbole de pouvoir et de contrôle sur un territoire.

Haute de quarante-trois mètres et demi, toiture comprise, cette tour-porche voit son élévation divisée en quatre niveaux. La façade du rez-de-chaussée est presque entièrement occupée par l’entrée, délimitée par un encadrement classique sévère et dont l’accès se fait en empruntant quelques marches. Des statues ornent la façade et représentent probablement des mortels en quête de Salut.

Si cette tour date du XIIe siècle et est donc romane, le portail actuel date de 1706 et vient remplacer l’ancien, qu’un dessin de Jean Tarde, chanoine et historien du XVIIe siècle, nous présente comme polylobé. C’est un type qui est assez courant dans l’architecture romane périgourdine, mais aussi charentaise et girondine. Le dessin nous donne également une idée de l’aspect de l’ancienne toiture décrivant une flèche. En ce qui concerne la baie de la face ouest du troisième niveau, elle est percée en 1481 pour permettre l’installation de la nouvelle cloche bien plus volumineuse que les anciennes.

 

Sans titre2
Dessin des Chroniques de Tarde

Le beffroi – emplacement des cloches – aurait été construit dans la première moitié du XVIIe siècle. On change par la même occasion la charpente et l’on opte pour une flèche que Jean Tarde présente comme particulièrement effilée. Le toit actuel est un bulbe baroque qui est foudroyé à quatre reprises au cours du siècle dernier mais restauré à chaque fois. En 1988, on eut l’heureuse idée d’installer un paratonnerre.

Sans titre3
Plan de Mireille Bénéjeam-Lère

A l’intérieur, au premier étage, se trouve une petite salle couverte d’une coupole que l’on pense être une chapelle. Ceci est étrange car les églises ne possèdent plus de chapelles à l’ouest depuis l’époque carolingienne. Il faut surement y voir un moyen pour l’abbaye d’affirmer son ancienneté, c’est d’ailleurs sans doute pour cette raison que la tour n’a pas été détruite au moment de la reconstruction de l’église pour être remplacée par une construction plus récente. Un clocher d’église avec une coupole à l’intérieur est très particulier et montre, encore une fois, la prédilection périgordine pour les coupoles qui sont une véritable spécialité locale à l’époque romane. Cette tour est d’ailleurs d’un aspect proche de celle de Saint-Front de Périgueux.

Autre grosse particularité qui fait de cette tour une exception : trois petites salles reliées par un escalier ont été redécouvertes seulement en 2001 lors de restaurations. Elle reliaient à l’origine la tour-porche au palais de l’évêque. Les archéologues parlent de d’espace fossile : tel le tombeau d’un pharaon resté inviolé. Ces salles sont des vestiges du logis de l’abbé, détruit puis remplacé par le palais épiscopal, mais ont également servit de prison : la prison de l’Officialité qui possédait une petite ouverture donnant sur la nef de l’église. Les prisonniers avaient donc le privilège de pouvoir écouter la messe !

 

Photos et texte : Ismaël Briand

 

TARDE Jean, Les chroniques de Jean Tarde, 1620-1623. (Annotées par le Vte Gaston de Gérard, H. Oudin et A. Picard, Paris, 1887.)

BENEJEAM-LERE Mireille, « Sarlat : la cathédrale Saint-Sacerdos » dans Congrès archéologique de France. 156e session. Périgord, Société française d’archéologie, Paris, 1998, p. 303-319.

BENEJEAM-LERE Mireille, « Dordogne. Sarlat, découverte de la prison de l’Officialité (XIIe siècle) dans Bulletin Monumental, tome 160, n°4, année 2002. p. 391-393.

Benejeam-LERE Mireille, « Les vestiges romans de l’ancienne abbaye de Sarlat (Dordogne) » dans Archéologie du Midi médiéval, Centre d’archéologie médiévale du Languedoc, Tome 23-24, 2005, p. 221-246.

 

Laisser un commentaire

Créez un site ou un blog sur WordPress.com

Retour en haut ↑